Nom de domaine et marque
L’article L 711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle énonce la liste des antériorités pouvant faire échec à l’enregistrement d’un signe à titre de marque : « Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :
a) A une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ;
b) A une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
c) A un nom commercial ou à une enseigne connus sur l’ensemble du territoire national, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
d) A une appellation d’origine protégée ou à une indication géographique ;
e) Aux droits d’auteur ;
f) Aux droits résultant d’un dessin ou modèle protégé ;
g) Au droit de la personnalité d’un tiers, notamment à son nom patronymique, à son pseudonyme ou à son image ;
h) Au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale. »
L’article L.714-3 du même Code dispose expressément que : « Est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n‘est pas conforme aux dispositions des articles L.711-1 à L.711-4 ».
Si le nom de domaine n’est pas spécifiquement visé à cette liste, il est pourtant bien constitutif d’un signe distinctif opposable à une marque à titre d’antériorité, dans les conditions exposées ci-après.
Par jugement du 18 octobre 2000, le Tribunal de Grande Instance de Paris a ainsi décidé que pour pouvoir valablement empêcher le dépôt d’une marque, le titulaire d’un nom de domaine doit établir ses droits sur la dénomination revendiquée, l’antériorité de son usage par rapport au signe contesté et le risque de confusion que celui-ci peut entraîner vis-à-vis du public.
Dans un jugement du 13 juin 2003, le Tribunal a confirmé sa jurisprudence antérieure en reconnaissant l’antériorité d’un nom de domaine sur une marque déposée.
Le 17 janvier 2014, le Tribunal de Grande Instance de Paris a précisé sa jurisprudence en jugeant que le nom de domaine d’un site internet constitue effectivement un obstacle au dépôt d’une marque, à condition que celui-ci soit exploité. Ainsi, si le site internet en question n’a jamais été opérationnel, le bénéfice de l’antériorité tombe.
En conséquence, pour pourvoir se prévaloir de l’antériorité d’un nom de domaine, il faudra que ce dernier soit réellement exploité par son titulaire au travers d’un site internet actif.
A l’inverse, si le nom de domaine a été uniquement enregistré sans exploitation postérieure, il sera difficile d’utiliser ce moyen pour s’opposer à une marque même si celle-ci postérieure.
Dans ces conditions, un porteur de projet doit prendre soin de protéger au plus tôt le signe sous lequel il entend développer et exploiter son activité.
La protection de ce signe par l’achat d’un nom de domaine est insuffisante, tout particulièrement si le site internet met plusieurs mois à être développé et effectivement exploité.
Ainsi, dès l’origine de son projet, cette problématique doit être appréciée et gérée par l’entrepreneur. Les mesures pour une protection effective du signe choisi (sous quelque forme que ce soit : dénomination, logo, etc.) doivent être adoptées : le dépôt d’une marque est la solution la plus efficace, sous réserve d’apprécier alors sa licéité, sa disponibilité et sa distinctivité…
Par Benoit HURET
Avocat à la Cour
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